Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

HISTOIRE DE L'ALGERIE

HISTOIRE DE L'ALGERIE

Sont présentées ici des recherches historiques sur l'Algérie du XIXème siècle et de manière générale sur le Maghreb et la France. Aux recherches s'ajoutent des points de vue, des notes de lecture et des instruments de travail.


Ouzellaguen 25-28 juin 1851 - Autopsie d'un grand combat - L'entre-deux-combats - Vers la reprise des combats

Publié par Abdel-Aziz Sadki sur 18 Février 2013, 14:37pm

Catégories : #Histoire des Ouzellaguen

 

5) Vers la reprise des combats

 

"Il y avait lieu de croire que la journée du 25 Juin déterminerait les Ouzellaguen à mettre bas les armes et à faire soumission complète [...]. Mais [...]"[1]

Le chérif Bou Baghla est tout heureux de trouver une résistance de la qualité de celle qui vient d'être mise en œuvre aux Ouzellaguen. Au soir du 25, il s'est retiré chez les At Idjer, où il a passé la nuit. Les généraux Camou et Bosquet ne doutaient pas de leur victoire. Ils pensaient que les Ouzellaguen avaient subis une punition si sévère qu'ils ne manqueraient de venir, derechef et sans conditions, leur djemaâ au complet, implorer le pardon et se soumettre à la volonté entière du vainqueur, le 27 juin. Et pour mieux leur rappeler l'évidence de la douleur et de la menace, les bataillons continuaient leur œuvre de destruction des jardins, des arbres et des moissons.

Tout logiquement, l'entrevue de la matinée du 26 juin a dû laisser une impression désagréable aux Ouzellaguen présents par les exigences trop sévères et péremptoires des deux généraux,

 

p 106

 

par le refus brutal de ne pas donner de suite aux pourparlers en l'absence d'une partie des Ouzellaguen. Ces derniers ont été certainement confortés dans leur conviction de combattre. L'intervention de Ben Ali Chérif n'a pu qu'engendrer des conséquences négatives en regard de celles espérées, radicalisant les Ouzellaguen. Ils ont pu croire, en recevant la lettre de Ben Ali Chérif, que les généraux avaient le dessein de les livrer à ce dernier.

Surtout, ce premier contact implacable, exprimé par la fermeté des généraux, au lieu de créer le sentiment de crainte attendu chez Ouzellaguen, a vraisemblablement contribué à refroidir ceux d’entre eux qui pensaient négocier un traitement plutôt heureux et donné complètement raison à ceux, nombreux, qui s'y refusaient. Les Ouzellaguen retrouvent leur unité et leur unanimité coutumière. Mais pour combien de temps ?

Comme donnée de base, il reste la volonté constante et propre aux Ouzellaguen de poursuivre le combat et d'interdire l'accès de leur territoire. Le nœud des combats réside précisément en eux-mêmes. Il est encore confirmé les lendemains qui suivent la journée du 28 juin. Cela va à l'encontre de l'affirmation des généraux Camou et Bosquet, laquelle professe que les Ouzellaguen ont été uniquement contraints par le Chérif de recommencer à faire parler les armes.

À considérer le déroulement de la première journée, spécialement sur le front d'Ibouziden, il n'est plus possible de prêter aux Kabyles les appréciations habituelles qui nourrissent les documents officiels de l'armée française : les contingents manquent de discipline, de cohésion et ne tiennent pas devant une attaque sérieuse ; ils fuient dès qu'ils sentent le danger important, telle une menace d'enveloppement, se laissent facilement manœuvrer, se cantonnent dans des attitudes uniquement défensives et se montrent incapables de concevoir des offensives ou des contre-offensives.

Le fait est ici explicite et mérite qu'on s'en souvienne : à Ibouziden notamment, les Ouzellaguen, avec leurs alliés, réussissent à faire reculer des troupes françaises. C'est trop souvent peu signalé dans la guerre d'Afrique pour qu'on ne le fasse pas ici. Mais c'est surtout pour les conséquences militaires, politiques et morales induites chez les Ouzellaguen et leurs alliés que le fait est d'importance. Les troupes françaises ne sont pas toujours et complètement invincibles. Une résistance organisée et disciplinée peut les malmener. Et les Ouzellaguen peuvent déjà avoir le sentiment de s'être bien battus et d'avoir déjà quelque chose de la victoire. Pour la longue lutte politique et militaire qu'ils mènent et la mémoire nécessaire à celle-ci, comme pour le combat immédiat, ce fait est capital.

 

p 107

 

Les Ouzellaguen nous sont présentés par Camou comme aveuglés par les paroles trompeuses du chérif. La vraie responsabilité de leurs actes ne leur appartenant pas, elle est plutôt mise au compte du chérif. C'est toujours la pratique d'une sorte d'infantilisme qui est l'expression parallèle d'un paternalisme brutal envers les populations, aimantées faussement par des agitateurs. Le vrai danger pour la colonne est ce chérif audacieux qui réussit si bien à soulever les populations, à les dresser contre elle, à défaire les progrès territoriaux des cercles et des bureaux arabes, ce chérif qui oblige à lever des colonnes, seules capables de s'opposer à lui.

Le chérif a somme toute une facilité certaine à travailler dans une pareille ambiance. Il a stigmatisé ou convaincu les sceptiques et les attiédis. La menace du plus grand nombre a sûrement joué son rôle en direction de la minorité. D'ailleurs, Bou Baghla n'a pas perdu son temps pour rassembler des contingents, parmi les Ighawawen, sur les crêtes des Ouzellaguen. Les Ighawawen promettent à ces derniers de ne pas se ménager dans la lutte, quitte à se faire tous tuer.

En conséquence, les Ouzellaguen restaurés dans leur confiance, interrompent les relations qu'ils avaient avec la colonne le 27 juin, jour où le chérif est revenu parmi eux. Camou lui en attribue d'ailleurs l'initiative : "il détermina les gens du pays à manquer à leur parole et à rompre toute communication avec nous." Le général Camou commence à douter sérieusement de la bonne volonté des Ouzellaguen. Pressentant fortement ce qui allait venir, il prit alors la décision d'évacuer son convoi de blessés sur Bougie et de distribuer quatre jours de vivres à ses troupes. Il "apprend le soir de manière à peu près certaine que les Ouzellaguen refusent de se soumettre ; il prescrit que la diane sera battue le 28 à 3 heures 1/2 et que les troupes partiront une heure après, la soupe mangée, pour aller opérer sans sacs : les ouzellaguen veulent recevoir une seconde leçon : toutes les mesures sont prises pour qu'elle leur soit donnée."[2]

 

   

© Abdel-Aziz Sadki

mis en ligne le 15 février 2013



[1] 2 H 8, Colonnes de l'Oued Sahel, n° 105, rapport sur la situation du pays, Tamokra (At Aïdel), 4 juillet 1851, Camou au gouverneur général.

[2] H 213, journée du 27 juin.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents