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HISTOIRE DE L'ALGERIE

HISTOIRE DE L'ALGERIE

Sont présentées ici des recherches historiques sur l'Algérie du XIXème siècle et de manière générale sur le Maghreb et la France. Aux recherches s'ajoutent des points de vue, des notes de lecture et des instruments de travail.


Ouzellaguen 25-28 juin 1851 - Autopsie d'un grand combat - 28 juin, acte second - Exaspérés, les Français veulente en finir

Publié par Abdel-Aziz Sadki sur 18 Février 2013, 14:43pm

Catégories : #Histoire des Ouzellaguen

 

C) 28 JUIN, ACTE SECOND

 

D'emblée et encore une fois, pour la seconde journée, nous devons faire savoir que nous disposons de peu d'éléments propres à éclairer les intentions et les mesures tactiques prises par les Ouzellaguen, le chérif et leurs alliés. Il ressort que leur tactique n'a pas profondément changé, elle ne peut, par la force

 

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    Croquis des combats des 25 et 28 juin 1851 

Croquis des combats des 25 et 28 juin 1851

(original sur papier calque)

Source : Journal de marche de la colonne de l’Oued Sahel

 

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des choses, que rester défensive. Ainsi, ils ont fortifié à la hâte les positions qu'ils ont choisies, élevé des retranchements dans les villages déjà détruits et dans ceux encore debout.

Les Ouzellaguen et le chérif Bou Baghla doivent empêcher impérativement qu'une interprétation défavorable sur la bataille du 25 ne prenne naissance et ne se diffuse. La meilleure façon est de devancer une éventuelle rumeur, en reprenant sans délai le combat. Pour les Ouzellaguen, il s'agit de rester intraitable sur l'indépendance. Pour le chérif, harceler la colonne par des combats aussi âpres, à répétition, est peut-être la meilleure façon d'avoir raison d'elle, elle qui ne trouverait pas le succès décisif escompté et nécessaire pour régler la campagne complètement en sa faveur.

 

1) Exaspérés, les Français veulent en finir

 

Les généraux exaspérés par l'attitude des Ouzellaguen, qui finalement se sont servis d'eux dans les pourparlers pour gagner du temps, veulent en finir une fois pour toutes. Rester dans une position d'attente et d'inaction a pour effet de renforcer la confiance des Ouzellaguen et de leurs alliés. Ils prennent donc l'initiative de décider du moment de la seconde bataille.

Le rapport fécond et louangeur sur la journée du 25 juin, envoyé au gouverneur général qui l'a rapidement répercuté au ministère de la Guerre, ne peut manquer de prendre un relief assombri par la nécessité de reprendre le combat. Tout est défait et tout est à refaire. Comment expliquer qu'un combat aussi décisif et brillant, surtout après avoir reçu de chaudes félicitations du gouvernement général, puisse rester sans lendemain ?

Dans son rapport politique sur l'Algérie, Affaires politiques arabes, daté du 30 juin 1851, où il n'a alors connaissance que de la journée du 25, le gouverneur général par intérim, Pélissier donne un grand retentissement au combat du 25 juin, avec l'amplification d'usage, dans son expédition au ministère de la Guerre. Peut-être que de cette façon la cause de la grande campagne de Kabylie, vieille de plusieurs années déjà, si combattue par l'opinion métropolitaine, notamment par les députés, engendrera un progrès sensible par les résultats illustrés par la campagne de l'Oued Sahel :

"Un rapport de M. le Général Camou, daté du 26 juin du bivouac d'Azib ou Safsaf, sur la rive gauche de l'Oued Sahel, au pied des montagnes des Ouzellaguen, m'informe d'un brillant combat qui a eu lieu le 25, au milieu de cette tribu, contre les contingents conduits par Bou Baghla. Je vous en donne tous les détails par dépêche de ce jour (Etat Major Général). Les principaux villages

 

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des Ouzellaguen ont été brûlés, l'ennemi poursuivi jusqu'aux crêtes du Djurdjura, a perdu beaucoup de monde ; l'effet moral de ce succès s'est fait sentir chez toutes les tribus qui suivaient encore la fortune du Chérif, et le lendemain les Ouzellaguen et le parti encore insoumis des Beni Ourglis, envoyaient leurs chefs au camp pour traiter de leur soumission.

Depuis que la colonne avait quitté Bougie pour remonter l'oued Sahel, Bou Baghela refoulé successivement du pays de Toudja, Fénaia et Beni Ourglis, avait essayé de tenir le 19 chez les Beni Immel, mais ses cavaliers chargés par une reconnaissance de notre cavalerie, avaient pris la fuite, et il avait dû gagner la seule tribu qui lui offrit encore de le recevoir, celle des Ouzellaguen que nos troupes n'avaient pas encore visitées jusqu'ici. On le dit aujourd'hui chez les Beni Idjer. Il reparaîtra probablement encore devant la colonne lorsqu'elle continuera à remonter la vallée, avec les partisans des Beni Mellikeuch, et les contingents Zouaoua qu'il pourra entraîner, mais j'espère que ce nouveau succès portera enfin atteinte à l'influence réelle qu'il a su acquérir sur les Kabyles, et qui les pousse depuis longtemps à opposer une force d'inertie inquiétante pour l'avenir. C'est un homme d'énergie et d'audace contre lequel nous devons employer tous nos efforts pour le faire disparaître. Malheureusement le refuge assuré qu'il trouve toujours dans la Grande Kabylie, nous laisse peu de chance de nous emparer de sa personne.

Le résultat du combat du 25, a remonté le moral de Si Ben Ali Chérif, qui paraît décidé à rentrer dans sa zaouïa. Il donne de bonnes nouvelles des Illoula et des Beni Aidel ; – son parti a repris confiance et paraît décidé à le soutenir."[1]

Le général peut sembler imprévoyant dans l'appréciation qu'il a faite de la portée de la bataille, criant victoire trop tôt, trompé finalement sur la capacité et la qualité réelle de la résistance des Ouzellaguen. Cette fois, il convient d'éreinter complètement le chérif, en prenant toutes les dispositions possibles.

 

2) Une tactique voulue plus fine

 

Désormais, fermement résolu et en prévision d'une bataille longue et épuisante, Camou décide que les troupes se lèveront plus tôt que d'habitude, à 3 heures et demi, pour qu'elles puissent opérer une demi heure plus tard, en profitant de la fraîcheur de l'aube et de la matinée, en évitant la chaleur étouffante de l'après-midi et aussi pour éviter d'être pris par l'arrivée impromptue de la nuit. On se lève plus tôt que d'habitude dans

 

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l'espoir aussi de surprendre davantage les Ouzellaguen. C'est aussi le signe que l'on s'attend à une longue et rude journée.

Cette fois, toutes les troupes disponibles, hormis les compagnies de grande garde, sous le commandement du plus ancien des capitaines, attachées au campement qui reste tendu, sont mises en branle, c'est-à-dire 8 bataillons au lieu de 7, avec la cavalerie et le goum de Beauprête, dépourvus de leur impédimenta, et surtout toute l'artillerie, avec les trois obusiers de montagne au lieu de deux pour la première journée.

Les intentions tactiques affichées sont claires. Tirant les enseignements de la journée du 25, il ne s'agit plus de prendre en étau la totalité du territoire, avec deux colonnes sur les ailes et une au centre, obligeant à un combat frontal, d'usure, orgueilleux aussi, que confortait la croyance en une victoire facile, avec la volonté de "prouver, une fois de plus, que Bou Baghla ne tient pas devant nous, [...] l'épée dans les reins". Les colonnes, épuisées par l'obligation de combattre en ascension et soumises à des tirs en plongée, se sont éloignées les unes des autres, la colonne du centre a été contrainte de se partager entre les deux autres colonnes faisant perdre sa cohésion au 8e de ligne. De plus, la cavalerie, partie en tête, a rapidement montré ses limites sur un terrain aussi contraignant. L'affaire s'est vite transformée dans la fraction d'Ibouziden en combat de position, tout à fait stérile.

Il convient donc maintenant, avec toutes les troupes, d'engager une bataille plus technique, plus intelligente, une bataille à l'économie, avec le but non pas d'écraser complètement les contingents kabyles, en leur faisant le plus de mal, travail long et coûteux en vies humaines, mais d'emporter le plus rapidement possible la décision, avec le moins de combats, mais le plus d'efficacité. Pour ce faire, en utilisant les corps indigènes, les mieux appropriés aux opérations mobiles, l'objectif est la victoire en redonnant l'avantage à la guerre de mouvement pour lequel les colonnes françaises ont un avantage incontestable et en évitant les lignes de feu statiques. Parcourir le plus vite possible la majeure partie du versant pour arriver dans un meilleur état de fraîcheur sur les crêtes escarpées et autres positions de défense des Ouzellaguen. Les troupes plus percutantes peuvent ainsi couper les retraites naturelles et éventrer les dispositions défensives de leurs adversaires, leur faisant perdre leur seul vrai avantage, par l'arrivée sur leurs parties vulnérables.

Les troupes toutes désignées pour réaliser ce plan de bataille sont les corps spéciaux, ces troupes indigènes que sont les zouaves et les tirailleurs indigènes, mais aussi le 8e léger. Le 22e léger, probablement fort éprouvé par les opérations du 25, est

 

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gardé en réserve. Se saisir du chérif est comme la consécration rêvée de la campagne.

 

   

© Abdel-Aziz Sadki

mis en ligne le 15 février 2013



[1] 1 H 7.

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