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HISTOIRE DE L'ALGERIE

HISTOIRE DE L'ALGERIE

Sont présentées ici des recherches historiques sur l'Algérie du XIXème siècle et de manière générale sur le Maghreb et la France. Aux recherches s'ajoutent des points de vue, des notes de lecture et des instruments de travail.


Ouzellaguen 25-28 juin 1851 - Autopsie d'un grand combat - Guerre totale, guerre cruelle - La brutalité des colonnes militaires françaises - Un anéantissement méthodique

Publié par Abdel-Aziz Sadki sur 22 Février 2013, 00:03am

Catégories : #Histoire des Ouzellaguen

b) Un anéantissement méthodique

La dévastation des champs, le pillage des maisons, la destruction des villages sont appliqués consciencieusement par les bataillons de la colonne de l'Oued Sahel. Ainsi, s'exécute une entreprise parfaitement rodée, mais aussi parfaitement routinière. Car ce qui impressionne, c'est la régularité efficace de l'acharnement tranquille qui ne soulève aucune émotion particulière. Car ce qui impressionne c'est la capacité, toute méthodique et systématique, à faire authentiquement mal, à gérer imperturbablement l'excès. Elle n'est autre que l'expression de choses devenues naturelles. Il y a de l'harmonie.

Quand la troupe est au repos, elle s'applique à faire ses provisions de fourrage dans le pays, à détruire tout ce qui environne le campement. Ainsi en est-il du 25 juin, les fourrages abondants d'Azib ou Safsaf se remarquent par leur "très bonne qualité". Ainsi, le 27 juin, au cours même des délais de négociation, "On fait dans leurs champs la corvée de fourrages, qui se fait les faucheurs en tête : tout ce qui n'est pas nécessaire à la nourriture des animaux est détruit."

Quand la troupe est en opération, elle prend garde de laisser sur ses arrières un bataillon au moins avec pour seule mission, piller, brûler, dévaster. Dans la journée du 25, "le colonel Jamin descendit avec un bataillon et 1/2 [du 8e de ligne, c'est-à-dire

 

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près de 800 hommes] pour dévaster et brûler". La seconde journée, le 28, le rôle est tenu remarquablement par les 600 hommes du 22e léger qui "s'avance en dévastant les champs de figuiers et d'oliviers".

Quand la troupe part en attaque et ouvre le feu, elle n'oublie pas elle-même, faisant d'une pierre deux coups, de remplir son devoir bien compris. Toujours au cours de la première journée, on nous donne l'exemple : "le 3e bataillon [du 8e de ligne...] enleva les villages d'Ibouziden et d'Ifri qui furent immédiatement livrés aux flammes".

Quand la troupe opère sa retraite, elle n'oublie pas non plus de porter la dernière touche à son œuvre.

Et quand les combats ont cessé leur symphonie bruyante et confuse, la colonne jette toutes ses forces dans un tutti magistral, où toutes les armes, tous les bataillons se répondent, interminablement, à l'unisson du drame. Les généraux se retirent et le chef génial est chef d'orchestre. "Tous les bataillons sous la direction du chef du génie travaillent à la destruction des villages des Ouzellaguen qui n'avaient pas été incendiés dans la journée du 25 : à 4 heures 1/2, toutes les troupes rentraient au camp".

À chaque fin de journée, on couche par écrit le bilan, mais avec une pointe d'exagération toute coupable pour la journée du 25 juin, excusable aussi parce que l'occasion et le temps ne leur ont pas été donnés de donner toute sa façon à l'ouvrage, de donner au rituel de destruction son achèvement, la boucle qui atteint sa plénitude ou son fantasme... Les Ouzellaguen "on eu tous leurs villages pillés et brûlés."

De l'autre côté, sur le versant ombré de la symphonie, les Ouzellaguen croient reconnaître le théâtre vivant : 5500 hommes se muent en une nuée de sauterelles, attaquant tout sans exception, ne laissant rien sur leur passage.

8 heures et demi ont été nécessaires, vraisemblablement parce que le combat a été trop tôt écourté, c'est-à-dire plus que les 6 heures de combat de la première journée et le double de la deuxième journée, pour parfaire les destructions de la journée du 25, à réduire en cendres les villages qui y avaient échappé, notamment ceux de la fraction qui ne s'était pas encore présentée aux Français, en toute assurance la fraction d'Ibouziden.[1]

Il fallait peut-être tout cela pour décider les Ouzellaguen à se rendre. Ceux-ci ne le firent que le lendemain.

Tous les corps sont logés à la même enseigne. On ne peut plus

 

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affubler de ces méfaits les seules troupes auxiliaires indigènes, les spahis et les goums. Ces pratiques inavouables apparaissent inséparables du patrimoine et des mœurs du soldat d'Afrique. Intériorisées, elles habitent chacun, pris individuellement, comme l'ensemble du corps, pris collectivement.

 



[1] Note de 2013. Fraction d’Ibouziden et non fraction d’Ifri comme nous avions pu l’écrire dans le texte premier.

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