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HISTOIRE DE L'ALGERIE

HISTOIRE DE L'ALGERIE

Sont présentées ici des recherches historiques sur l'Algérie du XIXème siècle et de manière générale sur le Maghreb et la France. Aux recherches s'ajoutent des points de vue, des notes de lecture et des instruments de travail.


Mouvement chérifien - Mouvement bû ma'zien 1-2 - Qui est Bû Ma'za ?

Publié par Abdel-Aziz Sadki sur 10 Octobre 2011, 01:15am

Catégories : #Histoire du mouvement chérifien algérien 1845-1854

Bou-Maza-par-Geoffroy---L-Illustration.png

Une gravure d'E. Geoffroy, parue dans le journal L'Illustration du 15 mai 1847, n° 220. C'est un des rares portraits réalistes de Bû Ma'za, fait d'après nature, à Paris, un mois après sa reddition. La sévérité, la dureté, voire la noirceur relatives qui s'en dégagent correspondent aux descriptions de l'époque. Elles semblent néanmoins accusées par le coup de crayon de l'artiste. C'est ainsi qu'on retrouve des traits analogues, quoiqu'avec un effet assez différent, dans le portrait qu'il réalise en regard, du capitaine Richard. Ce portrait de Bû Ma'za est un des rares que l'on possède de lui et le seul à peu près diffusé, mais peu. Il est reproduit dans L'almanach phalanstérien pour 1848. Il figure dans l'Histoire de l'Algérie en images ou Iconographie de l'Algérie depuis le XVIe siècle jusqu'à 1871 de Gabriel Esquer.

 

 

           Qui est l’homme ? Muhammad ben Waddâh[1], tel est le nom véritable du fameux Bû Ma’za,est issu d’un lignage chérifien reconnu, contrairement à ce qu’enseigne l’ensemble de l’historiographie. Son lignage étroit se divise en trois branches, connues dans le pays : les Al-Hâjj Qaddûr, les Awlâd ben Lahwâl et les Awlâd ben Mukhtâr ben Mûsâ.[2] Son père, Waddâh ben 'Abd al-Lâh est un homme d'un grand âge, atteint d'une cécité avancée. C’est un lettré[3], « un homme religieux pardessus tout »[4], qui se consacre en permanence à la lecture du Coran et des livres sacrés. Il est d’ailleurs muqaddam de tarîqa, sans que celle-ci ne soit spécifiée avec certitude.[5] Selon une conduite classique, propre à de nombreux hommes de religion, notamment des marabouts, celui-ci ne porte jamais les armes et, à aucun moment, ne prend position comme chef de guerre. Il exerce une grande autorité morale sur Bû Ma’za. En retour, ce dernier a beaucoup de déférence et de piété filiale pour son père.[6] En 1843, Waddâh ben ‘Abd al-Lâh réside chez les Beni Bû Khannûs, alors séparé de sa femme et d’une partie de ses enfants. Bû Ma’za s’accompagne parfois de son père et de son jeune frère pendant la guerre du Dahra. Ceux-ci séjournent dans son camp, mais vivent dans une tente retirée. En dehors des précautions de sécurité, tout ceci prouve que le père s’associe de près aux entreprises politiques et militaires du fils, sinon à d’autres plus anciennes.[7] La population l’entoure également de beaucoup de déférence.[8] Elle le désigne d’ailleurs sous le nom de Sî Waddâh, indice qu’il capitalise sur son nom propre la puissance symbolique du fondateur du lignage. Les combats ayant cessé dans le Dahra, Al-Hâjj ‘Abd al-Qâdir ben Namra l’emmène dans sa tribu, les ‘Asha‘âsha. Après son exil au Maroc et ses pérégrinations dans le Sud saharien, Bû Ma’za a une dernière entrevue avec son père le 12 avril 1847. En effet, Ben Namra l’accueille chez lui pendant un an, avant qu’il ne vienne à mourir. Dans ce cas, sa disparition surviendrait au printemps de 1848. Cependant, une autre mention, dont la lecture est équivoque, fixe sa mort à l’année 1853.[9] Al-Hâjj ‘Abd al-Qâdir ben Namra le fait enterrer chez les ‘Asha‘âsha, dans le cimetière de Sîdî Bû Yaqûb, près de la mer. La mère de Bû Ma’za, 'Îshâ bint Bû Hannî, est également une femme religieuse, dont la famille mal identifiée n’est cependant pas sans importance.[10] Après la mort de son fils aîné, elle rejoint son mari chez les ‘Asha‘âsha, emmenant avec elle sa petite fille Zaynâb. Tout indique qu’elle est encore en vie en 1854.

 

La-famille-de-Bu-Ma-za-par-lui-meme-copie-1.pngLa famille de Bû Ma'za (Bou Maza) selon lui-même


            Bû Ma’za a trois frères[11]: « D’une mère et de trois frères que j’avais, il ne me reste plus personne. » C’est-ce qu’il écrit au printemps 1854 dans une lettre à Napoléon III. Il les nomme dans différentes occasions de sa correspondance : Ben 'Abd al-Lâh,  'Abd al-Qâdir et 'Umar. Bû Ma’za est un jeune homme, probablement le troisième des garçons. Il naît vers 1822. L'aîné, Ben 'Abd al-Lâh, épouse Zûhra ; tous deux donnent naissance à une petite fille, Zaynâb. Ben ‘Abd al-Lâh ne s’occupe guère d'affaires politiques et ne prend jamais part à la guerre, ni contre les Arabes, ni contre les Français. Il se cantonne dans l’attitude d’un homme religieux. Les Français, qui ne l’ont jamais approché, le jugent « sans intelligence ».[12] Il meurt de maladie vers 1850 au douar des Shuatriyya, où il vivait en compagnie de sa mère et des siens. 'Abd al-Qâdir trouve la mort dans une razzia en 1843. ‘Umar, le plus jeune, naît en 1831-1832. C’est « le frère de prédilection de Bou Maza » et un « jeune homme plein d'intelligence ». Il suit Bû Ma’za dans de nombreuses expéditions et combat à ses côtés. Au cours de sa campagne saharienne, Bû Ma’za le laisse chez les Awlâd Sa'âd ben Salâm, une tribu de la confédération des Awlâd an-Na'îl, placée sous l'autorité de l'aghâ Tallî. Il est fait peu après prisonnier au cours d'une expédition du général Marey-Monge chez les Awlâd Na'îl, en avril 1848, alors qu'il y prêche le jihâd. D’abord interné à l'hôpital, probablement d'Alger, il est ensuite déporté en France. Le ministre de la guerre approuve sa déportation aux Iles Sainte Margueritte le 31 décembre 1848. Recensé sous le nom exact ou à peu près exact de 'Umar ben Muhammad – fait rare, car les résistants, membres du mouvement chérifien, dissimulent généralement leur identité –, et se disant frère de Bû Ma’za, les Français ne le croient pas et le regardent de toute façon comme un « homme fanatique[13] et dangereux ».[14] C’est un talîb qui passe alors pour être originaire de la tribu des Beni Maslâm. En tout cas, Sî Muhammad ben Bû Rak'â se l'attache comme gandûz avant de le hisser au rang de chérif, comme l'atteste Sî al-Hâjj Muhammad ben Brâhim en 1851. D’après ce dernier, il est encore, à cette date, emprisonné en France. Selon Sî Jîlâlî ben ‘Addâ, khûjja du caïd des Awlâd Khu’îddam, Bû Ma’za possède un quatrième frère, tué dans la même occasion que ‘Abd al-Qâdir. Bû Ma’za, qui évoque par ailleurs cet événement, n’en parle pas.[15] 

 

La-famille-de-Bu-Ma-za-par-Si-Jilali-ben--Add-copie-2.pngLa famille de Bû Ma'za (Bou Maza) selon Jîlâlî ben 'Addâ


     Bû Ma’za épouse[16] Maryam bint Mustapha ben Ziyân. Mustapha ben Ziyân jouit d'une influence locale importante, comme chef de la famille des Awlâd ben Sha’â et comme cadi chez les Awlâd Yûnas, tribu du Dahra. De nombreux cousins de Bû Ma’za vivent chez les Shuatriyya comme Muhammad ben al-Bashîr, Sî al-Husayn, Muhammad ben al-Jîlâlî, 'Abd al-Lâh ben al-Jîlâlî, Ben 'Abd al-Qu'î et Ben 'Abd al-Lâh, devenu l’époux de la veuve de son frère aîné. Le fait procède vraisemblablement d'une émigration familiale à une époque récente, sûrement consécutive à la guerre du Dahra.

 

            Quel est son univers local ? Bû Ma’za appartient à une fraction des Awlâd Khu’îddam, les Awlâd Sîdî Waddâh, qui jouissent d’une autonomie importante au sein de la tribu par leur caractère maraboutique. La documentation française des années 1845-1849 les dissocie du reste de la tribu. Ainsi, le capitaine Richard rapporte, toujours sur le récit d’Arabes bien informés, que Bû Ma’za « appartiendrait à la petite tribu de marabouts des Ouled Sidi Ouadhha, située entre les Sebehhas de la rive gauche du Chélif et les Ouled Krouidem. »[17] Une carte de 1849 la représente avec son territoire distinct sous le nom de zâwiyya Sîdî Waddâh. Elle forme la descendance d’un des plus grands saints du Chélif : Sîdî Waddâh ‘Âssam al-Miknâsî, qui a son tombeau sur la rive orientale de l’Oued Rhiou. Un de ses fils, Bû ‘Abd al-Lâh Muhammad al-Mghufal est à l’origine de deux tribus du Chélif. Un de ses descendants est le shaykh ‘Alî Zîn al-‘Abîdîn, surnommé Bû ‘Abaya, « l’homme à la gandoura », « qui domine la Merja ».[18] Sîdî Waddâh est un descendant de la branche aînée des shurfâ idrissides, considérée généralement comme la plus haute noblesse au Maghreb.

            On le voit, l’origine de Bû Ma’za paraissait obscure. En fait, elle se rattache au plus grand saint du Chélif et à une parentèle élargie, qui a de fortes positions dans la vallée du Chélif et les massifs de l’Ouarsenis et du Dahra. Il est membre d’un lignage chérifien reconnu comme authentique.[19] Bû Ma’za se rattache, par exemple, pour la période contemporaine, à la famille la plus prestigieuse et la plus puissante du Chélif, les Awlâd Sîdî al-‘Arîbî, mais aussi à la branche de Sîdî al-Hâjj al-‘Arbî, le chef des Darqâwâ de l’Ouarsenis et à celle de Sîdî ‘Addâ ben Ghallam al-Lâh, chez les Awlâd Lakrâd. C’est une des familles les plus considérables de l’Algérie. De fait, de proche en proche, il est membre d’une famille qui passe pour la créatrice du Chélif. Patronne de la vallée, mais aussi des deux massifs adjacents, le Dahra et l’Ouarsenis.

           La zâwiyya des Awlâd Sîdî Waddâh forme probablement plus tard le douar des Touarès. Bû Ma’za s'insère dans l'unité sociale et politique plus large des Tu'arâs, une fraction des Awlâd Khu'îddam.[20] Socialement, d’après les statistiques tribales françaises, sa famille tient une position plutôt humble, voire obscure et ne rivalise pas avec les familles les plus en vue de la fraction, dominée largement par le lignage saint des Awlâd Sîdî Ma'âmar. Sîdî Ma'âmar est un saint réputé dans la région, dont la wa'âda s’organise en octobre de chaque année. Il est surnommé Bû Mukahla car son fusil, déposé dans la qûbba, « est censé partir tout seul à l'approche de la fête. »[21]

            Les Awlâd Khu’îddam forment la patrie locale de Bû Ma’za. Lui-même les désigne affectivement comme son watân. Le watân est d'ancienne date une circonscription administrative, reprise par les Turcs. Ainsi qu'un petit pays, il a pu fondre des fractions et parfois plusieurs tribus. Dans certaines localités, il a pu acquérir une substance, devenir une unité sociale et politique et, par suite, une patrie locale. Ceux qui, comme Bû Ma’za, continuent à parler du watân ne sont pas rares, ce qui en fait une réalité vivante et vécue, qui survit à la disparition des Turcs et se maintient dans l’usage courant.

               La tribu des Awlâd Khu'îddam s'insère dans un système montagneux, où la vallée du Chélif est encadrée au nord par le massif littoral du Dahra et au sud par le massif intérieur de l’Ouarsenis. L'ensemble est topographiquement segmenté dans un sens méridien alors que la vallée du Chélif forme une voie de circulation transversale, stratégiquement commandée par les populations montagnardes du Dahra et de l’Ouarsenis et permettant de faire communiquer l’Algérois et l’Oranie. Le pays des Awlâd Khu'îddam s'allonge parallèlement au massif de l’Ouarsenis et à la vallée du Chélif, dont la section correspondante est occupée par la tribu des Awlâd al-'Abbâs. Deux affluents méridiens et importants du Chélif le traversent, la Jadîwiyya à l'Ouest et le Rhiou à l'Est. Tous deux prennent leur source dans l’Ouarsenis et servent aussi de voies de passage, notamment vers le cœur du massif, le plateau du Sersou et les monts de Tiaret. Dans la plaine, une source alimente un important marais, le Merdja de Sîdî 'Abîd. Au sud, la partie supérieure du pays, culminant avec la montagne du Jâf Lakhâl, est fort accidentée et « entrecoupée d'une infinité de ravins pierreux » qui en rendent l'accès difficile. Le pays est plutôt dénudé et renferme peu de bois.

            Les Awlâd Khu'îddam procèdent d'éléments détachés de la grande tribu des Beni Muhali, artisans de la conquête arabe. D’abord établis à Tlemcen, ils s’installent ensuite à Takdempt. De là, un groupe émigre dans le Dahra, où ce peuplement arabe exogène se mêle au substrat berbère. Par la suite, le pays devient le réceptacle pour l'implantation en grand nombre de familles maraboutiques et chérifiennes. À la différence d'autres tribus, les Awlâd Khu’îddam ne semblent pas avoir le même degré de compacité et d'homogénéité, mais ils jouissent du prestige de l'arabité et de l’islamité. Les Awlâd Khu'îddam connaissent successivement l'hégémonie des Maghrâwa, puis des Hûmis. Ces derniers, contraints de fuir en direction de l'Est, laissent le champ libre aux Awlâd Khu'îddam, qui peuvent ainsi occuper leur territoire et entrer en voisinage avec la puissante confédération des Beni Urâgh. Les Hûmis deviennent par la suite les serviteurs religieux du patron des Tu'arâs, Sîdî Ma'âmar ben Mukahla.

          Le bey de Mascara, Muhammad al-Kabîr, après avoir reconquis Oran sur les Espagnols en 1792, y transporte le chef lieu du beylîk, parvient à soumettre les tribus qui refusent la souveraineté turque, rétablit le calme dans le pays et s'empare de Nedroma en 1794. Mais, il finit par trouver la mort chez les Awlâd Khu'îddam en 1796.[22] Dans les derniers temps de la domination turque, les Awlâd Khu'îddam sont intégrés dans le ressort du khalîfa du bey pour le Shârk et jouissent du statut de tribu maghzân, avec de nombreux privilèges. Les lignages saints ont contracté de nombreuses alliances matrimoniales avec la grande famille des Awlâd Sîdî al-'Arîbî.

                 La chute de la domination turque en 1830 bouleverse l'équilibre entre les tribus. La pression des anciennes tribus raya contre les tribus maghzân décide les Awlâd Khu'îddam, soucieux de briser leur isolement, à se rallier précocement à l'émir 'Abd al-Qâdir. La reprise de la guerre entre 'Abd al-Qâdir et les Français en 1839 et les souffrances qu’elle apporte, notamment à la suite de la campagne du général Changarnier en 1843, les pousse à faire soumission à la France. 'Abd al-Qâdir, inquiet d'enrayer la vague des soumissions et de concert avec les Beni Maslâm, leur impose, immédiatement après le départ de la colonne, une terrible razzia, assortie d'un sanglant combat à Gurîga au printemps 1843. C’est une hécatombe pour la tribu, probablement une des plus terribles que ‘Abd al-Qâdir fait subir aux populations, en créant des inimitiés définitives : « Nous poussâmes jusqu’aux Oulad-Kr’ouïdem, qui furent complètement pillés. Cinq cents des leurs furent tués !»[23] Mais, depuis et jusqu'à l'insurrection de Bû Ma’za, ils restent à peu près dans la soumission à la France, intégrés dans le khalîfalîk de Ben 'Abd al-Lâh Walad Sîdî al-'Arîbî. Politiquement, dans le cadre nouveau de la domination française, la zâwiyya des Awlâd Sîdî Waddâh relève de l’aghalîk des Beni Ouragh, dirigé par Muhammad bel-Hâjj. Elle est donc séparée en 1845 du reste de la tribu, les Awlâd Khu’îddam, qui ressortent du khalîfalîk de Mina et Chélif, dirigé par Ben ‘Abd al-Lâh Walad Sîdî al-‘Arîbî.

 

            La famille de Bû Ma’za a une assise intertribale. Les alliances matrimoniales et sociales la rattachent aux élites locales et régionales. Sans que l'inventaire soit exhaustif, le réseau familial, social et politique de Bû Ma’za comprend de nombreux hommes de religion, un cadi, des hommes de guerre et de commandement, un ancien caïd du temps des Turcs et de 'Abd al-Qâdir et un caïd investi par les Français. Sa famille entretient des alliances importantes avec le commandement chez les Awlâd Yûnas et les Beni Bû Khannûs, ce qui lui donne un triple caractère religieux, militaire et administratif. Son oncle, Bû Khayra ben Tziki, a exercé le caïdat du temps des Turcs et sous 'Abd al-Qâdir et, depuis, réside chez les Beni Bû Khannûs.[24] Il appartient à la famille berbère[25] des Awlâd ‘Isâ, qui « a de tout temps exercé la plus grande influence sur la fraction des Zelamta, à laquelle ils appartiennent et même sur toute la tribu. Leur chef Ben Kheira ben Triki a été caïd des Beni Bou Khannous aux premiers temps de la conquête. Il fut révoqué pour divers motifs politiques et embrassa ensuite la cause de l’Emir, il raza alors les Zelamta et tua Mohamed ben Kadda, son cousin, caïd de la tribu et le nommé Bel Aouari qui lui avait succédé. »[26] Il est facile de le reconnaître dans la liste de ceux dont la déportation est demandée par le gouverneur général et est approuvée par le ministre de la guerre le 31 décembre 1848 : il est envoyé à Sète comme « fauteur de révolte dans l’Ouarsenis. »[27] Un autre oncle, Qada ibn 'Îsâ, est caïd des Beni Bû Khannûs et est réputé homme de guerre.[28] Sa famille élargie adopte donc des stratégies de type maghzân dans plusieurs directions, le groupe ayant des appuis dans chaque camp (turc, qâdirien et français). Bû Ma’za obtient d'épouser Maryam, fille de Sî Mustapha ben Ziyân, cadi des Awlâd Yûnas, homme instruit et d'une grande ferveur religieuse, lui apportant ses accointances avec la magistrature locale.[29]



[1] Sî al-Hâjj Muhammad ben Brâhim fait connaître le prénom de Bû Ma’za : « le fameux Bou Maza, auteur de l'insurrection du Dahra. Ce cherif, [...] son véritable nom est Mohamed ben Ouadah », CAOM 1 H 7, Miliana, 11 juillet 1851, lieut. Margueritte, cbac Teniet el-Had, « Rapport des chefs des bureaux arabes de Milianah et de Teniet el Had sur les chérifs de l'Algérie ».

[2] Les transcriptions françaises, si elles ne sont pas serties d'erreur, peuvent faire croire ici à un lignage laïque.

[3] CAOM 1 J 5, Alger, 28.4.1854, n° 41, GBCSS Mostaganem au GCPO.

[4] C’est ainsi que le désigne, en particulier, Al-Hâjj ‘Abd al-Qâdir ben Namra, des ‘Asha’sha. CAOM 1 I 1, novembre 1847, MG, « Résumé des lettres écrites par Bou Maza à sa famille », copie conformée par le lieutenant-colonel Rivet, DCAA

[5] Voir ci-après à la question des attaches confrériques de Bû Ma’za.

[6] La lettre que Bû Ma’za lui adresse de France en novembre 1847 témoigne de ses prévenances. Il y montre un soin particulier pour s’adapter au caractère de son père.

[7] Le chérif Mûlay Muhammad a également près de lui et par moment son père, qu’il place en sûreté à la fin de l’année 1845 chez les Ma’âtka, en Kabylie.

[8] « Tout le monde se disait, bien bas, dans les derniers temps, que le vieillard était son père et le jeune homme son frère, le seul qu’il eût. », Charles Richard, capitaine, Étude sur l'insurrection du Dhara (1845-1846), Alger, 1846, p. 198.

[9] CAOM 1 J 5, Mostaganem, 20.2.1854, Jules Pobeau, interprète militaire attaché au bureau arabe.

[10] D’après certains indices, elle peut être originaire, certes des Awlâd Khu’îddam, mais encore des Beni Bû Khannûs ou des ‘Asha‘âsha.

[11] L’existence de sœurs, comme souvent, n'est pas attestée. Cependant, la lettre qu’il adresse à Napoléon III en 1854 tend à prouver qu’il n’en a pas : il ne désigne que sa mère – son père étant décédé – et ses trois frères. Il a alors le souci de protéger tous les membres de sa famille. À moins que des sœurs, peut-être plus âgées, ne soient mariées et domiciliées dans d’autres familles, où elles bénéficient de la garantie l'anonymat.

[12] C’est ce qui est déduit des conservations entre Bû Ma’za et le rédacteur de sa correspondance en novembre 1847.

[13] Les Français utilisent fréquemment le terme « fanatique » pour désigner leurs adversaires. Son usage est discuté, infra IIIe partie. On remarquera ici l’écart d’appréciation à propos de ‘Umar : le versant français en fait un fanatique, le versant algérien, provenant de Bû Ma’za lui-même, mais pas seulement, en fait un jeune homme « plein d’intelligence ». Dans les citations tirées du français, il convient d’en maintenir l’usage. Mais, cela ne préjuge de rien pour l’historien, qui n’a aucun moyen de probation en la matière et qui doit s’en tenir à distance. C’est, au mieux, un indice du degré d’opposition aux Français. Cependant, dans le cas de ‘Umar, face aux nouvelles informations de la fin de l’année 1847, les services du ministère de la guerre se rallient à l’appréciation bû ma’zienne.

[14] CAOM F 80 565, Paris, 31.12.1848, MG. Il est porté en annotation : « en parler à Mr Bellemare. »

[15] Sî Jîlâlî est un homme très bien informé. Il cite les prénoms des quatre frères et donne des informations qui ne sont pas connues des Français. Pourquoi Bû Ma’za n’évoque-t-il pas celui-ci ? Le plus souvent, il ne parle que des survivants. Il est possible qu’il soit un demi-frère et qu’il ne soit donc pas un frère utérin. Ses frères sont relativement jeunes. Un seul est connu pour avoir donné naissance à une enfant. Le père de Bû Ma’za étant âgé, il est possible que ceux-ci procèdent, par exemple, d’un second mariage. Le rapport de Pobeau ne les mentionne pas par ordre de naissance. Cependant, c’est Ahmad qui apparaît en premier. Serait-ce alors une erreur de l’interprète, dont le rapport est assez mal rédigé ? Ahmad ne serait-il pas confondu avec Bû Ma’za lui-même ? Il y a souvent des confusions entre les prénoms Muhammad et Ahmad, les deux étant originairement liés. Quand Bû Ma’za séjournera de nombreuses années à Bagdad, il prend le nom d’Ahmad ben Ahmad.

[16] La correspondance de Bû Ma’za n’évoque pas l’existence d’enfants. Pour le moins, ils ne peuvent qu’être qu'en bas âge. En tout cas, il ne les réclame pas en 1854. Cependant, plus tard, il est attesté que Bû Ma’za laisse au moins un enfant.

[17] Charles Richard, capitaine, Étude sur l'insurrection du Dhara (1845-1846), Alger, 1846, p. 197.

[18] Auteur de Ajaïb Alasfar, cité par Sîdî ‘Alî Hachlaf, Les chorfa. Les nobles du monde musulman. La chaîne des origines à propos de la généalogie des descendants du Prophète, Publisud, édition originale arabe et traduction française, 1995, p. 53. Première édition : Tunis, 1929 (H 1347).

[19] Il n’est pas question de discuter ici la véracité de l’ascendance chérifienne. Ce qui compte – pour l’historien s’entend – est l’importance qui est accordée, à une époque donnée, à un individu, une famille ou un lignage par la population et ceux qui se prévalent de les distinguer ou de les « authentifier ». Bien entendu, ces individus, ces familles et ces lignages alimentent un travail social assidu pour se distinguer, accéder à l’excellence et s’annoblir.

[20] Bû Ma’za est parfois signalé comme originaire des Touarès. Le douar des Touarès est créé en 1867, suite aux opérations du sénatus-consulte de 1863, par fractionnement de la tribu des Awlâd Khu’îddam. Totalisant à cette date une superficie de 25 643 hectares, la tribu est divisée en trois douars par les décrets du 9 novembre 1867 et du 11 septembre 1869 : Abd-el-Gouï, Merdja-el-Gargar et Touarès.

[21] Emile Dermenghem, Le culte des saints dans l'Islam maghrébin, Paris, Gallimard, 1954, p. 171.

[22] CAOM, 10 H 53 (36 Mi 62, 63), 1856, notices historiques des tribus de la division d'Oran.

[23] « Histoire d'El-Hadj A'bd-El- K'ader par son cousin El-Hossin Ben Ali Ben Abi T'aleb », traduite par Adrien Delpech, Revue africaine, n° 20, 1876, p. 441. Sî al-Husin ibn ‘Alî ibn ‘Abî Talîb a pris part au combat dans les troupes régulières de ‘Abd al-Qâdir.

[24] CAOM 1 I 1, Paris, 11.12.1847, « Renseignements donnés par Bou Maza sur sa famille », joints à la lettre du MG, le général Trézel, pair de France, au GG, le duc d'Aumale.

[25] Probablement arabisée, mais le fait n’est pas notifié.

[26] « Le chef actuel des Oulad Aïssa, Triki ben Bou Kheïra est hostile à nôtre cause. Il est très influent dans la tribu ; mais il doit être l’objet d’une grande surveillance, parce que ayant tout perdu et étant très pauvre, il a tout intérêt au renversement des choses actuelles pour s’enrichir. » CAOM 10 H 79, Orléansville, 15.3.1865, cap. Capifali, cba, « Travail biographique sur les principales familles du pays », pour le cercle d'Orléansville.

[27] Il est porté sous le nom de Ben Keira ben Teriki, avec la qualification de « fellah », originaire des « B. Kenous (Alger). » CAOM F 80 565, Paris, 31.12.1848, MG.

[28] CAOM 1 I 1, Paris, 11.12.1847, « Renseignements donnés par Bou Maza sur sa famille », joints à la lettre du MG, le général Trézel, pair de France, au GG, le duc d'Aumale.

[29] Ibid.

 

Abdel-Aziz Sadki

mis en ligne le 10 octobre 2011

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L
Bonjour, <br /> Je recherche des renseignements sur Bou-Maza et sa participation durant la guerre de Crimée en 1854 .... éventuellement son armement payé par Napoléon III. <br /> Merci d'avance <br /> Lefaucheux
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B
MERCI POUR TOUT CE TRAVAILLE <br /> .... MERCI ....!
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