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HISTOIRE DE L'ALGERIE

HISTOIRE DE L'ALGERIE

Sont présentées ici des recherches historiques sur l'Algérie du XIXème siècle et de manière générale sur le Maghreb et la France. Aux recherches s'ajoutent des points de vue, des notes de lecture et des instruments de travail.


Ouzellaguen 25-28 juin 1851 - Autopsie d'un grand combat - Guerre totale, guerre cruelle - Le noeud du dénouement - La constitution d'un blocus

Publié par Abdel-Aziz Sadki sur 22 Février 2013, 00:19am

Catégories : #Histoire des Ouzellaguen

 

b) La constitution d'un blocus

Au soir du 30 juin, à 10 heures, après avoir organisé les Ouzellaguen et avoir donc tiré les enseignements des deux derniers combats, Camou, sur la proposition de Bosquet, fait parvenir une dépêche télégraphique suivante à Aumale pour qu'elle soit transmise au gouverneur général :

"Le chérif a été refoulé jusque chez les Zouaoua.

J'ai battu des contingents le 25 et le 28 chez les Ouzellaguen. Ces derniers sont tous à mon bivac demandant l'aman, ainsi qu'une partie des Beni-Hidler.

Les Zouaoua ont encore reçu le Chérif. En attendant une campagne

 

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complète contre eux, il convient de les bloquer dans leurs montagnes qui ne peuvent les faire vivre.

Le Général Bosquet les a déjà bloqués de son côté. Il demande que les subdivisions d' Aumale et d'Alger en fassent autant, c'est-à-dire qu'il soit publié plusieurs fois dans les marchés, que tout Zouaoua doit être traité en ennemi ; qu'il soit défendu d'avoir des relations avec eux ; de leur faire passer des grains et des troupeaux.

Ce blocus est facile à surveiller avec un peu d'activité et quelques exemples et il en résultera d'excellentes conséquences."[1]

Les circonstances dans lesquelles la solution du blocus est mis en place montrent bien l'impuissance à triompher des Ighawawen par une victoire complète. Cette solution, reprise des Turcs qui' ne parvenaient pas à venir à bout de la résistance kabyle, apparaît comme un dérivatif par défaut. Dès lors, quand le dispositif du blocus sera mis en place, et il ne se fera pas aussi facilement que ne le présage Bosquet, les Ouzellaguen s'y trouveront intégrés en première ligne et même en seront prisonniers.

Dans une dépêche du 11 juillet, date à laquelle les troupes se séparent pour reprendre le chemin de leurs garnisons, sa mission considérée comme aboutie, Camou écrit[2] :

"Il ne reste plus d'ennemis sur la rive droite de l'Oued Sahel quant à la rive gauche, jusqu'à la frontière des B. Mellikeuch, elle est entièrement soumise."

Le commandant Robin, dans son Histoire du chérif Bou Bar'la, ne peut s'empêcher de se demander pourquoi la colonne Camou ne s'est pas attaquée aux At Mellikeuch :

"Bien que les résultats obtenus dans cette campagne aient été très importants, l'œuvre  entreprise n'avait pas été achevée, puisque la tribu des Beni-Mellikeuch qui, plus que toutes les autres, avait mérité un châtiment exemplaire était restée impunie.

Pourquoi nos troupes, avant de se séparer, n'ont-elles pas donné à cette tribu turbulente une leçon bien méritée, ce qui n'eût pas été bien difficile, son territoire n'étant pas plus inabordable que ceux, que nous avions visités ? C'est ce que nous n'avons pu éclaircir."[3]

La décision finalement d'écourter les opérations du côté du Djurdjura est prise au lendemain des combats des Ouzellaguen, avec le choix désormais d'adopter la tactique du blocus. À Akbou, la

 

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colonne était campée à l'entrée du territoire des At Mellikeuch, tout, notamment l'incendie de l'Azib Ben Ali Chérif, rappelait leurs actes hostiles. Mais, les généraux prirent la décision de passer sur la rive droite, portés certainement par Ben Ali Chérif qui voulait qu'on donnât un châtiment terrible à ses autres ennemis, les Ouled Sidi Yahia el Aïdli, groupe de marabouts très influents qui avaient appelé le chérif Bou Baghla à venir chez eux pour qu'une grande ampleur soit donnée à l'insurrection sur la rive droite. Ils ne purent résister, quoique quelques uns d'entre eux s'y essayèrent, isolés au gré des circonstances, et virent tous leurs villages dévastés durant plusieurs jours. Puis la colonne se porta contre les At Ayal, fraction des At Abbès, qui osèrent résister. Ce sont les derniers combats de la colonne. La colonne s'est souciée d'éliminer les débris de l'insurrection dans la subdivision de Sétif.

En cette circonstance, ceux qui ont été les plus frappés, résolument déclarés au combat, les Ouzellaguen, les Ouled Sidi Yahia el Aïdli et les At Ayel sont parmi ceux qui depuis le début ont été les plus hostiles à Ben Ali Chérif. En 1848, d'ailleurs, les Ouzellaguen et les Ouled Sidi Yahia el Aïdli, alors qu'elles étaient intégrées nominalement au cercle de Sétif, étaient déjà repérées comme des populations influentes et belliqueuses.

Mais revenons aux At Mellikeuch qui jouent le rôle de résistance le plus en pointe dans cette partie de la vallée de l'Oued Sahel. Les généraux Camou et Bosquet ont préféré prendre le chemin du retour de la colonne et se livrer à de petits combats assurés de leur issue que d'abattre la plaque tournante de la lutte, alors, dans la région, la laissant consciemment derrière eux, sur les bras de Ben Ali Chérif.

Pourquoi ? Parce que, de toute évidence, ils savent qu'ils ne peuvent pas se saisir du chérif, qui venait de passer chez les At Mellikeuch et surveillait la colonne qui a une autonomie en vivres jusqu'au 15 juillet, jour où elle regagnera Aumale pour être dissoute. On dit que Bou Baghla y a été assez mal reçu au point qu'il s'est éloigné. Cette présentation des faits est en partie tronquée puisque, dans le rapport politique de la subdivision de Sétif consacré au mois de juillet, il est clairement écrit que Bou Baghla a quitté les At Mellikeuch, en laissant sur place 30 de ses cavaliers sous la direction de son principal lieutenant, El Hadj Mustapha, avant de se rendre chez les At Sedqa. Pourquoi se débarrasserait-il de plus de la moitié de ses cavaliers ? Il est de toute évidence parti rassembler des contingents parmi des populations qui n'ont pas participé aux combats des Ouzellaguen, car trop éloignées et disposant d'un temps insuffisant pour se mettre en mouvement. Les At Sedqa sont un véritable centre de résistance, ils forment l'un des trois pôles de l'activité de Bou

 

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Baghla qui est ancrée dans le triangle At Sedqa-At Mellikeuch-At Idjer, les At Mellikeuch formant le fer de lance, avancés qu'ils sont, comme un éperon, au milieu de populations soumises, où la lutte fait rage. D'ailleurs, et significativement, Bou Baghla s'est fait ou se fera construire une maison dans chacune des trois localités.

Les généraux Camou et Bosquet ne peuvent pas ne pas avoir compris l'intention du chérif, qu'eux-mêmes laissent deviner. Certes, ils sont pour un peu ligotés par des instructions qui leur interdisent de franchir le Djurdjura, mais les At Mellikeuch ne sont-ils pas du versant sud ? La raison profonde est qu'ils ne veulent pas renouveler, coup sur coup, des combats nécessairement du même type que ceux des Ouzellaguen, avec exactement la même tactique épuisante et aux résultats si ponctuels et si médiocres, la soumission d'une simple population. Et les At Mellikeuch sont gens préparés au combat, leurs villages fortifiés, ils se sont déjà battus contre la colonne Bugeaud, ayant plusieurs de leurs villages incendiés, contre la colonne Canrobert qui, dit-on remporta le combat, mais un combat qui ne fut aucunement décisif, tout était à refaire. Si toutes les populations ne veulent pas voir détruire, pour rien, leurs villages et engager de lourdes pertes humaines, les militaires français ont bien compris que certaines d'entre elles, du type des At Immel, des Ouzellaguen et des At Mellikeuch, étaient déterminées jusqu'au bout, quelque soit le sacrifice. Même la politique de terreur a ses limites. Du reste, par la suite, certaines feront le même sacrifice à plusieurs reprises. C'était, pour les généraux Camou et Bosquet, une goutte de feu, trop cher payée, dans le nœud du problème.

Les Ouzellaguen inaugurent une phase de lutte très dure, quoique relativement stéréotypée, qui culmine par la lourde et douloureuse campagne de Grande Kabylie, en 1857.



[1] 2 H 8.

[2] 2 H 8, colonne de l'Oued Sahel, Camou au gouverneur général, le 11 juillet, n° 115.

[3] p. 69.

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